Soft power, Afrique du Sud et émergence africaine (Part. II) – Dr Folashadé Soulé-Kohndou

Folashadé Soulé-Kohndou est docteure en science politique (associée au Centre de Recherches Internationales de Sciences Po’ Paris) et chercheure post-doctorante en relations internationales à la London School of Economics.

Dans l’entretien accordé à Thinking Africa, Dr Folashadé Soulé-Kohndou décrypte les objectifs et stratégies des clubs des puissances émergentes, comme l’IBAS (Forum Inde, Brésil, Afrique du Sud), expose le cas particulier de l’Afrique du Sud, et aborde les enjeux de soft power et de l’émergence en Afrique.

Dans cette deuxième partie, Dr Soulé-Kohndou analyse la stratégie de l’Afrique du Sud pour se positionner comme une puissance émergente et un modèle de transition démocratique africain sur la scène internationale. Dr Soulé-Kohndou met en perspective le concept d’émergence et questionne leur mise en œuvre effective. Enfin, elle examine comment les diasporas africaines peuvent contribuer efficacement au développement du continent. Cette deuxième partie permet une meilleure compréhension des déterminants des politiques étrangères africaines et des enjeux régionaux et continentaux du leadership africain.

Cliquez ici pour la première partie de cet entretien.

Quelques verbatims extraits de l’interview.

Sur l’Afrique du Sud, puissance émergente

L’Afrique du Sud s’est largement servie des plateformes multilatérales, à commencer par les Nations Unies, pour se positionner stratégiquement, comme le leader africain… Et en intégrant, ces différentes clubs : IBSA, BRICS, G20 où l’Afrique du Sud est l’unique membre africain, elle a réussi à opérer une satellisation des problématiques africaines autour de sa diplomatie et à se positionner comme une puissance émergente africaine.

Sur la contribution de Thabo Mbeki

Thabo Mbeki a joué un rôle majeur dans les réformes et renforcements institutionnels des organisations telles que nous les connaissons aujourd’hui en Afrique ainsi que dans le positionnement de l’Afrique du Sud comme le moteur de cette dynamique de renforcement institutionnel du continent. L’activisme international de Mbeki est, avant tout, un engagement personnel, avant d’être une stratégie d’Etat sur la scène internationale.

Sur le leadership africain de l’Afrique du Sud

La question du leadership est difficile si elle s’envisage sous une forme singulière. L’Afrique du Sud s’est arrogé cette position de leader sans associer les autres pays africains. J’envisage la question du le leadership comme une question plurielle. Il y a plusieurs leaderships sous-régionaux, ce qui pose la question de la représentativité. Lorsque l’Afrique du Sud est, par exemple, élu au conseil de sécurité pour un siège non permanent pour une durée de deux ans, il a obtenu l’aval des Etats africains. Je pense que, pour que l’Afrique du Sud puisse obtenir cette position de leader africain sur les questions africaines sur la scène internationale, il faut qu’il consulte plus régulièrement les autres Etats africains et que son action ne se voit pas ainsi contestée.

Sur la définition de l’émergence

L’émergence est un terme qui est à la mode aujourd’hui, mais qui ne date pas d’aujourd’hui. Le terme « Emergence » avait été défini par un économiste de la Banque Mondiale en 1981. Initialement purement financier, le terme a d’abord évolué vers une connotation économique pour aujourd’hui avoir un sens politique et diplomatique. Nous sommes partis d’un marché émergent, nous sommes passés à un pays émergent, aujourd’hui nous parlons de puissance émergente.
Aujourd’hui, l’émergence en tant que puissance est un statut, un label. C’est une volonté pour ces différents acteurs de faire partie des processus décisionnels internationaux au nom de la nouvelle donne internationale qui a emmené plusieurs Etats du Sud à avoir une économie et un activisme beaucoup plus prospère que ceux des Etats européens, grands vainqueurs après la seconde guerre mondiale.

Sur la question de l’émergence en Afrique

Les plans d’action d’émergence en Afrique sont mis en place afin d’attirer des sources de financement potentielles. Dans un contexte international où les pays émergents sont très sollicités et érigés comme des modèles, avec les BRICS notamment, il y a une attraction forte qui est faite sur le terme d’émergence. Il faut savoir que ces plans « émergence », pour beaucoup, sont écrits par des cabinets d’affaires, en consultation avec des bureaucraties et fonctionnaires compétents. Mais il faut se demander si ces plans qui sont mis en place sont parmi les plus effectifs et se poser la question de leur mise en application.

Sur le soft power

Le soft power est l’habilité d’un Etat à mobilier des capacités autres que matérielles. C’est l’habilité d’un Etat à être séduisant sur la scène internationale, que ce soit à travers sa culture, sa langue, etc. L’Afrique du Sud a réussi à bâtir un vrai soft power au niveau de son exemple démocratique et de sa transition démocratique réussie sans heurt. Cela lui a permis de se positionner sur la scène internationale et de devenir un interlocuteur privilégié pour les différents acteurs internationaux.
Les Etats africains ont chacun des capacités à mobiliser leurs acquis, leurs cultures, leurs parcours ou trajectoires démocratiques pour s’en servir comme outil de puissance douce.

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