Parcours, attrait pour le savoir et quête de l’excellence – Elikia M’Bokolo
Elikia M’Bokolo est spécialiste de l’histoire de l’Afrique.
Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, il obtient son agrégation d’histoire en 1971 et entame une carrière universitaire internationale en France, aux Etats-unis et au Portugal entre autre. Elikia M’Bokolo est membre de plusieurs conseils scientifiques et de comités de rédaction de revues sur l’Afrique. Il est également le producteur de l’émission « Mémoire d’un continent » sur RFI. En 2010, il met en scène la quadrilogie « Afrique(s), une autre histoire du 20ème siècle ». En 2015, Il contribue à la conception du catalogue d’exposition « Beauté Congo -1926-2015-Congo Kitoko ».
Dans cette première partie de la longue interview accordée à Thinking Africa, M’Bokolo revient sur son enfance et dépeint un tableau idyllique du Kinshasa des années 50. Il relate sa découverte de la lecture et raconte comment la diversité culturelle et intellectuelle du Kinshasa de l’époque l’a nourri intellectuellement et l’a influencé intellectuellement. Arrivé en France en 1962, il décrit le contexte socio-politique de la France d’après guerre ainsi que le début de sa formation intellectuelle.
Quelques verbatims extraits de l’interview.
Sur la soif de lecture
La soif des livres a été quelque chose d’important et assez vite je pense que je suis entré en sixième de l’école secondaire et j’ai commencé à acheter des livres ou on m’achetait des livres. L’époque a fait aussi que nous avons au Congo une relation très particulière avec les Etats-Unis parce que dans les années 50 on voyait beaucoup à Kinshasa de très bons films américains. Humphrey Bogart était quelqu’un de connu de nous tous.
Sur le goût pour l’écriture et la parole
J’ai été élevé par mes grands parents : la mère et le père de ma mère. Ma grand-mère était commerçante. Elle vendait de l’alcool de maïs et c’est elle qui a fait de moi ce que je suis. Elle me disait « tu vas écrire la lettre que je vais écrire ». Mon grand-père étai aveugle. Il avait perdu la vue et quand je sortais il me disait« tu vas me dire ce que tu vois ». J’étais donc obligé de parler et écrire pour d’autres. Cela m’a donné le goût de l’écriture et le goût de la parole et ça donne aussi une sorte de savoir faire qui peut t’accompagner pendant très longtemps.
Nous somme arrivés en France en 1962. Arriver à Lyon en 62, ce n’est pas rien. C’est une ville où il y a beaucoup d’exilés espagnols de la Guerre civile et qui en parlent, qui ont des enfants de mon âge et nous étions à l’école ensemble. A Lyon, à l’époque on habitait à Villeurbanne, une ville ouvrière avec une classe ouvrière française extrêmement combative et il y avait aussi beaucoup de travailleurs algériens. On disait à l’époque « arabes ». Ils étaient très nombreux et très combatifs. A la fois, on le comprenait à demi mots par rapport au FLN et par rapport au Parti Communiste français. Et il y avait aussi beaucoup de juifs français dont l’identité était d’autant plus forte à Lyon que Lyon a été l’une des bases de la Gestapo en France avec beaucoup d’arrestation et de crimes de juifs et de français ; sans compter qu’il y avait aussi beaucoup de soldats sénégalais de la deuxième Guerre mondiale dont l’un des contingents a été massacré par la Wehrmacht. Moi je suis arrivé dans cette ville là.