Violence, dignité et sens au Congo – In Koli Jean Bofane

In Koli Jean Bofane, originaire de la République Démocratique du Congo, est l’auteur de nombreux ouvrages dont « mathématiques congolaises » (2008) et « Congo Inc : Le testament de Bismarck » (2014).

Dans la deuxième partie de l’interview accordée à Thinking Africa, Jean Bofane décrit son rôle d’écrivain, analyse les mécanismes de violence au Congo, aborde la question de la Chine en Afrique, et du complot contre le Congo, et explique pourquoi le Congolais, plus qu’un individu, est un concept.

Quelques verbatims extraits de l’interview.

Sur le rôle de l’écrivain

Chaque génération de congolais a connu des coups de feu devant sa porte. Avec le recul, je me demande comment un être humain peut avoir vécu tant de choses ? La violence est arrivée à un point où maintenant, elle nous réveille. Notre littérature se doit d’être violente, elle doit s’acharner sur les sujets. L’écrivain africain doit travailler dans ce sens. On doit s’acharner sur le sujet, parce que le sujet est grave. Tellement grave, qu’on en finit par en rire. Tellement, c’est absurde.

Sur la Chine

La Chine a toujours été en contact avec l’Afrique. On parle toujours de la Chine en mal, qu’ils vont nous rouler, mais les chinois ne vont pas nous recoloniser, ils ne vont pas nous mettre en esclavage. Je ne vois pas ce qu’un chinois peut me faire qu’un européen ou un américain ne m’a pas encore fait. Et puis, maintenant sur la carte du monde, on ne se contente plus de regarder l’Afrique et ensuite au Nord, l’Europe, aujourd’hui, on regarder la carte du monde, d’Est en Ouest, il y a les Emirats Arabes Unis, l’Inde, la Chine, le Vietnam et de l’autre côté, vous avez le Brésil. On n’a plus besoin de remonter dans le Nord. L’Europe n’est plus l’eldorado des africains comme les occidentaux peuvent le penser. Ils ne sont plus le centre du monde.

Sur le complot contre le Congo

On est conscient qu’il y a un complot contre le Congo. Mais, il faut vivre avec. Le Congo, c’est la première réserve mondiale de matières premières. C’est chez nous qu’on va venir, on fera tout pour nous prendre cela, le moins cher possible. C’est une donnée qu’il faut prendre en compte. Comment vivre dans cet environnement là ? On est dans la mondialisation : Comment vais-je tirer mon épingle du jeu dans ce complot contre le Congo ? Les gens sont conscients de ce complot, mais le temps de vie d’une nation et celui des gens ne sont pas les mêmes. Il y a donc des frustrations parce qu’on ne réalise peut-être pas nos objectifs avant de quitter cette terre. C’est pour cela qu’il faut laisser des idées pour que les enfants puissent concrétiser et les transmettre.

Sur le rôle de la sexualité dans la destruction du Congo

On peut désagréger un pays par la sexualité. C’est ce qu’on fait au Congo. On essaie de balkaniser le pays, ça ne marche pas. Alors, on nous prend nos femmes. On les viole, on les utilise. C’est un moyen pour désagréger un pays, mais ça ne marche pas pour le moment. Mais les inconscients sont marqués.

Sur la définition du Congolais

Le Congolais est un concept, un paramètre d’un algorithme qu’on met en marche pour accomplir les grands desseins du monde. Ca commence avec le caoutchouc, au début de l’ère industrielle. On peut citer la bombe atomique, etc… C’est pour cela que l’on a toujours l’impression que le congolais ne sait pas pourquoi il souffre. D’ailleurs, il semble que personne ne comprend. Les gens se demandent toujours, mais vous avez beaucoup de richesse, mais comment… C’est ça, le chaos organisé. C’est fait à dessein. Il faut être conscient de la chose et se battre en conséquence. Le Congo n’est pas comme n’importe quel pays d’Afrique.

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