Dr Samuel Nguembock | Professeur de géopolitique à l’Institut supérieur du management public et politique de Paris
Introduction
Annoncée le 27 mai 2013 à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’Union africaine à Addis-Abeba, la création de la Capacité Africaine de Réponse Immédiate aux Crises (CARIC) suscite aujourd’hui de nombreuses interrogations de la part de nombre d’observateurs et d’analystes des mutations géopolitiques en Afrique. A l’issue du 26e sommet Afrique-France sur la paix et la sécurité et à la veille du prochain sommet de l’Union africaine, la question de l’atteinte de la pleine capacité opérationnelle de la Force africaine en attente et celle de la mise en œuvre de l’alternative stratégique (la CARIC) font encore débat dans les milieux diplomatiques africains. Dans un contexte de multiplication et de superposition des projets de création et/ou de mise en œuvre effective des dispositifs de sécurité et de défense en Afrique d’une part, et de complexification des foyers de tensions et des situations post-conflit (Centrafrique, République démocratique du Congo…) d’autre part ; la problématique de la nécessité de la création et de la mise en œuvre de la CARIC mérite une réflexion approfondie pour comprendre les enjeux et les défis autour de sa création mais aussi les conséquences de sa mise en œuvre dans la perspective de l’opérationnalisation de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS).
Depuis le premier sommet Afrique-France entièrement consacré à la paix et à la sécurité en 1998, l’Afrique a réalisé des avancées considérables aussi bien sur le plan politico-institutionnel que sur celui de l’expérience opérationnelle dans le domaine du maintien et de la consolidation de la paix : la création du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine,
la mise en place de l’AAPS. L’Afrique a également connu une diminution du nombre des conflits et un progrès significatif en matière de paix, certes avec l’appui technique et opérationnel des Nations Unies et des partenaires étrangers : la résolution des conflits en Angola, au Mozambique, au Libéria, en Sierra Leone, en RDC, la Mission de l’Union africaine au Burundi…en sont quelques exemples. On peut se réjouir de ces avancées compte tenu de l’échec en tous points de l’Organisation de l’unité africaine au cours de la décennie 1990 face à la multiplication des guerres civiles dans le continent. De la même manière, on peut légitimement rester perplexe ou sceptique devant non seulement la modestie des moyens strictement africains déployés, mais aussi les faiblesses opérationnelles et structurelles des dispositifs africains de sécurité mis en place dans la perspective de l’Architecture africaine de paix et de sécurité.
Mais au-delà de ce seul débat sur la capacité de l’Afrique à construire une force de réaction rapide en cas de crise, il faut également s’interroger sur la cohérence et/ou la cohabitation de ce projet avec des dispositifs dont la mise en œuvre reste en cours, la Force africaine en attente notamment. A ce titre, la création de la CARIC pourra-t-elle procurer à terme un appui décisif à la Force africaine en attente qui représente pour l’heure le bras militaire de l’Architecture africaine de paix et de sécurité ? En d’autres termes, son ambition est-elle de renforcer le processus de mise en œuvre de la FAA ? Par ailleurs, sur quel instrument politico-institutionnel va-t-elle s’appuyer? Sur une volonté politique des Etats africains ? Sur une capacité de décision ? Si oui laquelle et où peut-on la trouver? Sur des moyens d’action nationaux militaires ou non militaires ? Sous quel format : alliance, défense commune ou coopération structurée permanente entre quelques Etats ? Telles sont les questions qui structurent la présente réflexion. L’objectif de cette dernière étant précisément d’identifier et d’analyser les défis de la mise en œuvre de la CARIC et les potentielles conséquences sur les dispositifs de sécurité en cours de réalisation.