Pascal Lagneble | Doctorant en droit international
Introduction
Le chapitre aura donc été clos sur la question des réformes institutionnelles et constitutionnelles au Togo. Pourtant, on avait cru à l’aboutissement des réformes avant les élections présidentielles prévues pour le 15 avril 2015 vu que les négociations y relatives ont occupé une bonne partie du calendrier politique togolais au cours de l’année 2014. Car, on le sait, les revendications politiques au Togo depuis l’instauration du multipartisme poursuivent un seul objectif : il s’agit de l’alternance politique au sommet de l’Etat, qui, à en croire les responsables politiques togolais, est la condition de la stabilité. Les togolais veulent un changement de pouvoir, une autre façon de gouverner. On ne peut pas parier sur une gouvernance sans faute même après un changement, mais les togolais semblent exprimer le désir d’un changement quel qu’il soit.
Les choses sont ainsi puisque le Président Eyadéma qui a accédé au pouvoir depuis 1967 à la faveur d’un coup d’Etat a dirigé le Togo d’une main de fer jusqu’aux années des conférences nationales pour l’instauration du multipartisme. Même après la conférence nationale souveraine au Togo du 1er juillet au 28 août 1991 qui a accouché d’une constitution démocratique, Gnassingbé Eyadéma dirigera encore le Togo jusqu’à sa mort en février 2005. Ce qui donne raison à ceux qui pensent par exemple au vu de la situation politique africaine que les élections tel qu’elles sont organisées dans certains pays « n’auraient pour effet que de légitimer un pouvoir dont la nature autoritaire se perpétue » .
Au total donc, Eyadéma aura dirigé le Togo pendant 38 ans sans partage. A sa mort le 6 février 2005, le parlement togolais procède à la modification de deux dispositions fondamentales de la constitution. Il s’agit des articles 65 et 144. Le premier était relatif à la vacance de la présidence de la république. Le second interdisait que l’on procède à une révision de la constitution en période de vacance, d’intérim ou d’atteinte à l’intégrité du territoire.Les députés togolais se sont libérés de ces dispositions gênantes et il était aisé que l’on subodorât que l’objectif était d’empêcher le dauphin constitutionnel, le président de l’assemblée nationale de prendre le pouvoir qui était alors vacant à cause de la mort du général président conformément à l’article 65 sus-évoqué.
Il en était ainsi car il y avait un dessein inavoué : la prise du pouvoir mais par celui qu’on voulait, en l’occurrence il s’agit du fils du feu président en la personne de Faure E. Gnassingbé. Ce dernier occupait un poste de ministre à la mort de son père mais une certaine manœuvre institutionnelle a permis qu’il soit d’abord vice président du parlement togolais, qualité qui lui permettra quelquesheures après d’assurer l’intérim de son père étant donné que le président de l’assemblée nationale M. Fambare Ouattara Natchaba était empêché comme on venait de le signaler. Cette prise de pouvoir que la CEDEAO avait qualifiée de coup d’état constitutionnel a aussi été condamnée par la communauté internationale.
Sous la pression de cette dernière notamment les menaces de l’Union Africaine d’imposer des sanctions et la suspension du Togo des instances de la Francophonie, Faure Gnassingbé aura démissionné de ses fonctions trois semaines après. On ne se tromperait pas à dire que cette démission s’apparentait à de la poudre aux yeux car elle aura été rattrapée par les élections présidentielles d’avril 2005 qui furent fortement contestées. Du coup, le pouvoir de Faure Gnassingbé souffrait d’un sérieux déficit de légitimité dû aux conditions troubles dans lesquelles il a accédé à la magistrature suprême, à l’instar des années du père. L’instabilité politique que connaissait le pays depuis les années du père s’est donc prolongée dans les années du fils. Pour y trouver un palliatif, l’ensemble de la classe politique togolaise s’était retrouvé pour signer sous la facilitation de l’ancien président burkinabé un Accord Politique Global ci-après l’APG qui était une sorte de remède au mal être politique togolais. Cet accord politique fait un certain nombre de recommandations donnant ainsi la clé qui permet de normaliser la situation politique togolaise.
Parmi ces recommandations, figure en bonne place la limitation du nombre de mandat présidentiel pour permettre l’alternance tant attendue. Pour y arriver, la classe politique togolaise doit faire les réformes exigées par l’APG. Nous sommes en plein dans les questions de réformes institutionnelles et constitutionnelles au Togo entendues comme la mise en œuvre intégrale de l’APG. En claire, le respect de l’APG par le truchement des réformes institutionnelles et constitutionnelles est la condition du retour à la stabilité politique, qui conditionne elle-même les questions de développement économique, social… Alors ou en est-on avec cette question aujourd’hui à la veille d’une autre élection présidentielle ? L’élection présidentielle comblera-t-elle les espérances relatives à l’alternance et à la stabilité politique ?L’échec des réformes institutionnelles et constitutionnelles aura-t-elle des impacts sur la vie politique togolaise ? Quels sont les éléments qui permettent de comprendre une telle situation ?
C’est à ces questions que cet article se propose d’apporter quelques éléments de réponses. Mais déjà l’observateur attentif aura un certain froid au dos quand on sait que la veille des élections présidentielles togolaises a encore consacré l’échec une fois de plus des négociations politiques devant aboutir aux réformes institutionnelles et constitutionnelles. Pour donc bien comprendre cet état de chose et espérer que la crise politique togolaise puisse se juguler rapidement, il faudra donc analyser les maux (I), et les remèdes (II).
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