Fidel Monodji Mingar | Consultant & écrivain
INTRODUCTION
La question foncière en Afrique préoccupe les Etats africains et certains partenaires internationaux au développement depuis fort longtemps. Parmi ces partenaires au développement, il y a la Banque mondiale (BM) qui est convaincue que la sécurisation foncière égale garantie d’investissements. Pourtant, en Afrique les réalités sont différentes.
En Afrique, il est établi que la terre est un « patrimoine commun » à la communauté. Loin d’être anonyme et interchangeable, elle reste sacrée dans sa relation avec l’homme. En général, l’homme africain considère la terre comme une « divinité détenant des pouvoirs vitaux qu’il convient de traiter avec précaution » . Cette relation est entretenue de génération en génération, et serait l’une des causes principales des conflits et de pauvreté du continent.
Cette situation constitue une bombe à retardement du continent et souffre de toutes les critiques et controverses doctrinales. Ces critiques « jugent » que les richesses liées à la terre en Afrique et partant la question foncière, restent sous l’emprise des pratiques et usages communautaires improductives et inégalitaires. De ce fait, nos partenaires au développement mobilisent sans cesse des moyens techniques, financiers, politiques et autres pour influencer la réforme des régimes fonciers africains considérés comme « impropres ». Car, de toute conviction, la terre africaine peut bien nourrir et être un vecteur économique pour le développement du continent, à condition qu’elle soit « sécurisée ».
Toutefois, la complexité sinon la difficulté de la problématique foncière en Afrique n’est pas à occulter. Dans ce continent, les questions de « gouvernance » et de propriété foncière, et en particulier celles d’accès à la terre, s’inscrivent dans un contexte de rapports hommes-femmes-jeunes, zones urbaines et rurales. Ces rapports cachent des réalités différentes et complexes, et ont des implications profondes sur les droits, devoirs et responsabilités des citoyens, ce qui compromet l’accès à la terre pour des groupes marginalisés ou victimes de discrimination comme les femmes et les jeunes.
Ces critiques adressées sans doute contre l’emprise des droits communautaires sur la terre en Afrique, se traduisent ces dernières années par une forte incitation des Etats africains à réformer leurs régimes fonciers. Des Directives, Résolutions, Plans et autres instruments internationaux sont proposés aux Africains (Ghana, Malawi, Mozambique, Tanzanie, etc.). Parmi eux, ceux dérivés des institutions onusiennes comme la Banque mondiale (BM) et la FAO sont les plus importants.
Les Etats africains sont donc tenus de « réformer » leur tenure foncière pour sécuriser les parcelles et pour attirer et garantir les investisseurs étrangers. Un défi qui n’est pas facile à relever pour les Africains, coincés entre un sujet lié intrinsèquement à la vie des communautés et le défi du développement. Mais dans un contexte de morosité économique et politique générale, leur marge de manœuvre semble limitée de nos jours.
Ainsi, intimement liés à leur terre, les Africains sont jaloux et réticents à toute « proposition de divorce » : les recommandations internationales à la « sécurisation » des terres africaines se heurtent régulièrement aux droits coutumiers. Pourtant, ces droits coutumiers ou communautaires « sont souvent réputés constituer des obstacles au développement tant urbain et rural » . Ils n’autorisent pas la propriété privée et font du régime foncier africain un obstacle pour les investissements économiques. C’est le cas en République Démocratique du Congo.
Dans cette condition, les régimes fonciers des Etats africains (d’une manière générale) nécessitent une réforme en profondeur. De l’observation générale, ces régimes sont une reprise « tropicalisée » des législations coloniales et sont de ce fait décalés, inappropriés aux réalités modernes et aux enjeux fonciers actuels auxquels chacun de ces Etats fait face. Les Etats africains devraient promouvoir la propriété privée, gage de sécurité foncière et source d’investissements. Car jusqu’à preuve du contraire, les richesses rattachées à la terre en Afrique sont prisonnières des « droits de la pratique » qu’il soit en ville ou au village.
Aussi, il est plus que jamais important pour les Etats africains comme le Tchad et la Côte d’Ivoire de corriger les manquements, de combler le vide, et de s’approprier les nouveaux concepts et principes gouvernant le foncier que génère le « monde globalisé ». Par exemple, le monopole foncier de l’Etat doit être discuté avec les collectivités décentralisées. La difficulté de généraliser le titre foncier peut être soldée par le « certificat foncier » (adapté aux réalités du monde rural). Les droits coutumiers doivent avoir une reconnaissance légale et égale au droit écrit. Si l’objectif de toute réforme foncière est de propulser le développement économique, sa démarche doit être négociée avec toutes les couches sociales concernées (« dialogue foncier »). C’est faire preuve d’esprit démocratique !
Ainsi,la propriété foncière nous apparaît comme une réponse aux enjeux endogènes des Etats africains (croissance démographique effrayante, pauvreté accrue, conflits communautaires quasi permanents, etc.). Il est important qu’une nouvelle approche de sécurisation foncière soit adoptée pour garantir les investissements économiques et redynamiser l’administration foncière par des exigences démocratiques.
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