Par Joseph Tchinda Kenfo
RÉSUMÉ:
Les élections présidentielles françaises de 2017 auront été surprenantes d’un bout à l’autre : coups de théâtre permanents, qualification pour le second tour de Marine Le Pen et d’Emmanuel Macron, élimination / éclatement des grands partis traditionnels de la droite et de la gauche. La relation de la France avec l’Afrique a notamment été l’objet de clivages importants. Tandis que certains candidats revendiquaient une approche plus « moderne », fondée sur des relations plus équilibrées, d’autres ne remettaient pas en question les rapports « privilégiés » des deux entités, rapports qualifiés par certains de « Françafrique ». Les Africains eux-mêmes ne sont pas restés insensibles à ce débat et certains d’entre eux ont soutenu clairement l’un ou l’autre des deux candidats qualifiés pour le second tour, par des manifestations de rue, comme en Côte d’Ivoire, ou via les réseaux sociaux, au motif qu’ils incarneraient une véritable rupture avec les pratiques actuelles de soumission (dont la politique monétaire d’arrimage du Franc CFA à l’Euro). De fait, la politique africaine de la France depuis les indépendances n’a jamais varié/évolué. Les bonnes intentions de plusieurs Présidents de la république, essentiellement de gauche, ont buté sur les faits/réalité. L’ambition de cette contribution est de montrer que la « Françafrique » a largement structuré les rapports franco-africains, quelle que soit la tendance politique au pouvoir. Aussi, il est important de saisir les recompositions politiques actuelles en France et l’émergence, puis la percée des pays asiatiques sur le continent pour bâtir une nouvelle coopération décomplexée. Les pays africains en ont-ils les moyens et la volonté ? C’est à cela que nous allons nous atteler.
PROBLÉMATIQUE:
Peut-on penser aujourd’hui que la politique africaine de la France, le temps d’une présidence, présentera quelques signes de rupture ? Quels sont les invariants de cette politique africaine de la France ?
CONTEXTE:
Depuis plusieurs mois, plusieurs manifestations et conférences sont organisées à travers le monde (France, Afrique, Canada, etc.) non seulement pour dénoncer la responsabilité du contrôle monétaire (Franc CFA en l’occurrence) dans le sous-développement de certains États africains, mais aussi la nature des relations personnalisées nouées et entretenues par certains chefs d’États du continent depuis les indépendances avec l’Hexagone. Ces questions, largement débattues dans les réseaux sociaux, se sont invitées dans la campagne présidentielle de 2017 en France et ont rapidement été récupérées par certains candidats dont Emmanuel Macron et Marien Le Pen, autoproclamés pour les besoins de la cause candidats »Anti-système ». Les Africains, quant à eux, ont une fois de plus manifesté leur enthousiasme vis-à-vis de certains candidats, organisant manifestations, constituant des comités de soutien, sans oublier les appels au vote en faveur de tel ou tel autre candidat ; oubliant le temps d’une campagne électorale que la politique africaine de la France s’inscrit dans la continuité indépendamment du bord politique du locataire de l’Élysée.
IDÉES MAJEURES:
– Au-delà des discours et autres déclarations d’intention, la relation franco-africaine reste marquée du sceau de la »Françafrique ». Cette nébuleuse, qui s’articule autour du contrôle politique des dirigeants et du contrôle économique, est non seulement désastreuse pour le continent et ses peuples, mais aussi constitue un défi pour l’expression de la souveraineté populaire. Malgré la ruée vers le continent de nouveaux acteurs et d’anciens partenaires, la France conserve un potentiel de nuisance établi pour de nombreux pays et active en temps opportun certains leviers dont elle dispose.
– La place marginale accordée à l’Afrique pendant la campagne présidentielle de 2017 montre, s’il en était encore besoin, que le continent ne fait pas partie des priorités officielles de l’Hexagone. Certaines questions sont en effet débattues loin de la place publique, intérêt national oblige. Par conséquent, le continent n’est exploré en fait qu’en tant que pièce du ‘’puzzle sécuritaire’’ au regard des enjeux qui se jouent désormais au Sahel et en bordure de la Méditerranée.
– À défaut pour la France de décomplexer une relation faite de mépris, de déni et d’exploitation, les Africains gagneraient à être plus pragmatiques et prospectifs. Aucun gouvernement français ne peut prioriser le développement du continent. Ainsi, les États africains n’ont d’autre choix que de bâtir une stratégie d’ensemble afin de diversifier les partenaires et limiter ainsi les effets néfastes du redéploiement du jeu des puissances en cours.