Par Mouhamadou Al Mokhtar Niang
RĂSUMĂ:
Le conflit en Casamance est lâun des plus vieux du continent, il tire en longueur et verse dans un Ă©ternel recommencement, une bifurcation prospective est plus que jamais nĂ©cessaire afin dâentrevoir son futur sous diffĂ©rents synopsis. Du point de vue des nĂ©gociations deux approches sâentrechoquent/ sâopposent actuellement ; la premiĂšre pose la rĂ©unification du MFDC comme condition sine qua non Ă de sĂ©rieuses nĂ©gociations pour une sortie dĂ©finitive du conflit. LĂ ou dâautres voient la quadrature du cercle et militent pour des nĂ©gociations sĂ©parĂ©es avec chaque faction pour aboutir Ă un accord global et inclusif. Cette note
tente de décrypter les comportements actuels et positions des acteurs directs afin de mettre en exergue les
divergences internes qui subsistent. Ă lâaune des outils de la prospective, cette analyse propose des pistes de rĂ©flexions, mais surtout des scĂ©narios futuristes pour les dix Ă quinze prochaines annĂ©es.
CONTEXTE:
Au moment oĂč lâAfrique sâembourbe dans des enjeux gĂ©opolitiques et gĂ©ostratĂ©giques majeurs, force est de constater que le conflit en Casamance vieux de 37 ans, tarde Ă connaĂźtre une issue heureuse. Fait marquant, quatre ans dĂ©jĂ que les SĂ©nĂ©galais Ă©taient appelĂ©s Ă se prononcer par rĂ©fĂ©rendum, le 20 mars 2016, pour ou contre le projet de rĂ©vision constitutionnelle proposĂ© par le prĂ©sident Macky Sall. Alors que nombre dâobservateurs/de la population/de SĂ©nĂ©galais sâagitent autour des principaux changements introduits par ce nouveau texte, aucun dĂ©bat ne fait allusion Ă la situation en Casamance. Personne dans la classe politique ni dans les mĂ©dias ni au sein mĂȘme de la sociĂ©tĂ© civile casamançaise nâa eu Ă Ă©voquer ce sujet. Câest dire Ă quel point ce sujet paraĂźt circonscrit.
Le temps a rĂ©ussi en presque quatre dĂ©cennies Ă vider la question de ses hommes mais aussi un peu de sa substance. Plusieurs accords ont Ă©tĂ© signĂ© entre lâĂtat du SĂ©nĂ©gal et le MFDC, plusieurs rencontres inter-MFDC, aucun nâa eu lâeffet escomptĂ©. Le processus de paix actuel si tant est quâil existe souffre dâun manque de clartĂ© pour certains, dâincohĂ©rence et de temporalitĂ© pour dâautres. Ce qui fait que le conflit tarde Ă connaĂźtre une issue heureuse. Pourquoi cet Ă©tat de fait ? Dâaucuns ont convoquĂ© le manque de volontĂ© ou de stratĂ©gie au niveau des politiques, et la dislocation du MFDC en plusieurs factions ce qui rend les choses encore difficiles. De toute Ă©vidence lâĂtat de SĂ©nĂ©gal a engagĂ© depuis 2012 des nĂ©gociations avec une seule des quatre factions du MFDC et jusque-lĂ aucune annonce spectaculaire nâen est sortie. Voici le contexte dans lequel cette note sâinscrit.
IDEES MAJEURES :
Le conflit en Casamance dure et les processus de nĂ©gociation passe et se ressemblent tous. Parmi les principaux facteurs bloquants il y a la culture du positionnalisme entre les deux belligĂ©rants, lâun est pour une indĂ©pendance, lâautre pour la sauvegarde dâune intĂ©gritĂ© territoriale. Ces deux postures minent le
conflit depuis fort longtemps. Lâapproche pragmatique de lâĂ©tat qui consiste Ă nĂ©gocier avec une faction en attendant que les autres soient prĂȘtes est loin de faire lâunanimitĂ©. Beaucoup craignent que cette Ă©niĂšme nĂ©gociation dĂ©bouche sur des accords non applicables puisque non inclusifs. Ces derniers voudraient comme condition sine qua non Ă ses nĂ©gociations une rĂ©unification du MFDC.
Lâhistorique du conflit nous renseigne sur le fait que tous les processus allant dans le sens dâune unification du MFDC comme objectif de dĂ©part ont tous Ă©chouĂ©. Lâexercice du jeu des influences qui consiste Ă dĂ©terminer la locomotive ou le leader cachĂ© dâun groupe donnĂ© (acteur en conflit au conflit de niveau II) nous renseigne que bien quâune approche pragmatique serait la plus judicieuse dans ce cas de figure, il nâempĂȘche quâil ne reste pas moins pertinent de considĂ©rer la volontĂ© des rebelles combattants afin dâentrevoir un dialogue fructueux et partagĂ© par tous.
à défaut de cela nous assisterons à la lumiÚre des méthodes de la prospective appliquée aux données collectés à la réalisation de quatre scénarios :
Un premier scĂ©nario qui met en exergue le basculement du rapport de force en faveur de lâĂtat et au dĂ©triment du mouvement des forces dĂ©mocratique en Casamance et envisage une sortie de crise basĂ©e sur la transformation du conflit dâun stade politique Ă un stade purement sĂ©curitaire.
Un deuxiĂšme qui fera lâobjet dâune tentative dâinversion des tendances observĂ©es dans le premier, câestĂ - dire un retour des annĂ©es sombre du conflit comme un Ă©ternel recommencement.
Un troisiĂšme scĂ©nario qui ressemble Ă quelques dĂ©tails prĂšs au premier Ă la seule diffĂ©rence, quâil nâenvisage aucun accord de paix, mais table uniquement sur un essoufflement du mouvement allant jusquâĂ la reddition des troupes combattantes du MFDC.
Et enfin un quatriÚme qui expose les principaux risques ou faiblesses de la stratégie du pourrissement et de ses conséquences possibles sur le terrain.
PROBLEMATIQUE :
Existe-t-il des blocages ou divergences de vue dans le processus de paix actuel en Casamance ?
Le MFDC part de lâindĂ©pendance, les reprĂ©sentants de lâĂtat du SĂ©nĂ©gal se disent prĂȘts Ă tout nĂ©gocier sauf lâindĂ©pendance. Ces deux postures minent-elles le processus ?
La stratĂ©gie de dialogue actuelle de LâĂtat du SĂ©nĂ©gal fait-elle lâunanimitĂ© ? Quand est-il du comportement des acteurs du conflit, de leurs positions actuelles face Ă la situation ?
Et il possible de dégager aux regards de la prospective des scénarios susceptibles de nous renseigner sur les enjeux futurs du conflit en Casamance ?