Opinion Libre de Fadel Barro, co-fondateur du Mouvement Y en a marre, au Sénégal.
« L’Afrique de demain c’est ce que j’en fais aujourd’hui. Je pense qu’il faut commencer par rompre avec cette idée qu’on se défausse toujours sur les générations futures. Certains parlent de l’Afrique qui vient et disent que l’avenir sera radieux, que l’avenir c’est la jeunesse et qu’il lui appartient. Pourtant aucune responsabilité n’est accordée aux jeunes. Trop peu d’espace leur est laissé pour la construction de leur propre avenir, qui est souvent défini sans qu’on les y associe. La jeunesse se retrouve donc exclue des acteurs qui mènent la réflexion. Les résultats qui s’ensuivent reposent tous sur le même constat : On est toujours sous développé. Epiloguer sur l’Afrique de demain ne permet aucunement de prévoir les événements d’aujourd’hui. Les mouvements comme Y’en a marre ou le Balai Citoyen ont justement permis d’insuffler une dose d’actualité et de recadrer les débats sur les questions contemporaines, notamment en s’alestant de certains présidents ou candidature de trop.
Les arguments de tous ces jeunes, qui ne projettent que de s’établir ailleurs, proviennent directement de cette procrastination africaine dans la prise en main immédiate de son destin.
L’Afrique de demain c’est l’Afrique d’aujourd’hui. Il y a des gens qui se battent, il y a des gens qui sont en train de définir des stratégies, il y a des gens qui n’attendent pas pour construire le présent.
Fadel BarroPrenons l’exemple du Sénégal, le président Senghor avait fait la promesse à ces concitoyens, dans les années 1960, qu’en l’an 2000, le Sénégal serait un pays prospère, un pays de « natangué » (prospérité). Des chansons avaient mêmes été crées et reprenaient cette idée: « L’an 2000, l’an 2000 ». Le slogan principal voulait faire de Dakar une réplique de Paris.
Au lieu de définir les mécanismes de travail et d’engager les jeunes et les populations de manière générale à travailler sur ce chantier, les politiques se sont reposés sur ce slogan, arguant que Dakar serait comme Paris en l’an 2000 et qu’il valait mieux donc attendre que l’an 2000 vienne. Le véritable problème, c’est que l’on se défausse sur les générations à venir pour ne pas assumer ses responsabilités d’aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle j’affirme : l’Afrique de demain c’est l’Afrique d’aujourd’hui. Il y a des gens qui se battent, il y a des gens qui sont en train de définir des stratégies, il y a des gens qui n’attendent pas pour construire le présent.
A la question, quelle est la marche à suivre, une seule réponse : il faut prendre ses responsabilités. Y’en a marre soutient qu’« il n’y a pas de destin forclos, il n’y a que des responsabilités désertées ».
Franklin Delano Roosevelt nous assurait que «Les seules limites de nos réalisations de demain, (…) sont nos doutes et nos hésitations d’aujourd’hui.»
Alors il ne faut pas douter, il ne faut pas hésiter, il faut juste s’engager. S’engager de la manière la plus non-partisane que possible, de la manière la plus équidistante avec les partis politiques. Ceux qui entendent conquérir le pouvoir n’ont qu’à s’y atteler, l’essentiel demeure d’intéresser les Africains à la gestion du bien public. Au travers le continent et les âges, la grande majorité des Africains ne se sent pas concernée ni par le projet de développement, ni par le projet démocratique de leur pays. Or, à chaque fois que les jeunesses se sont mobilisées pour ces projets, il y a eu des paix. C’est notamment le cas du Sénégal et du Burkina Faso, et cela ne serait tarder dans d’autres pays. Ces mobilisations se révèlent être des marqueurs, des pics d’intérêt manifestés par les habitants du pays au projet démocratique, rappelant ainsi aux tenanciers du pouvoir leurs propres exigences.
Il faut travailler à ce que nous, Africains, ne souffrions plus du racisme, et faire en sorte que nous ne soyons pas éternellement à genoux.
Fadel BarroCes réactions ne doivent pas être que spontanées et ponctuelles, mais doivent être constantes, organisées, mieux réfléchies, bien mûries, de sorte qu’elles débouchent sur une véritable alternative. Les Africains souffrent de deux pathologies : d’une part, cet art du défaussement sur les générations futures et d’un autre côté, cette manie du dédouanement à résonnance passéiste.
Cette attitude s’avère être une véritable gangrène. Certains Africains souffrent trop de leur passé et continuent de pleurer au lieu de transformer leurs larmes en sueur. Trop de personnes arguent encore incessamment de l’esclavage ou de la colonisation comme réponse à tous leur maux. Moi je ne suis pas colonisé, je vis au XXI éme siècle, je suis en 2015, je me sens indépendant. Bien sûr, il y a une historicité, une histoire que je ne nie pas. Je ne remets pas en cause ce qui s’est passé et tout ce que nos ancêtres ont vécu, mais je veux juste me distinguer de ceux qui investissent dans ces discours et qui perdent beaucoup de temps en nous rappelant ce qui s’est déjà passé ou ce qui aurait dû être. Nous perdons trop de temps et d’énergie dans des discours stériles, en nous expliquant notre situation, nos échecs par le racisme notamment. Il est temps que nous acceptions de travailler. Travailler de manière constructive.
Voilà mon Afrique de demain : c’est une Afrique que nous bâtissons aujourd’hui même, à travers les mouvements sociaux, qui doivent initier le pas à leur poursuite, afin d’entrer dans le temps long.
Fadel Barro
Il faut travailler à ce que nous, Africains, ne souffrions plus du racisme, et faire en sorte que nous ne soyons pas éternellement à genoux. « L’autre est grand devant moi, parce que je suis assis, » dit l’adage. Souvent si vous souffrez du racisme, c’est parce que vous êtes ailleurs à l’étranger, vous recherchez chez l’autre ce que vous n’avez pas chez vous. Quand les conditions du développement sont réunies chez nous en Afrique, ce qui est possible, on aura plus besoin d’aller ailleurs. Nous avons tous des mains pour travailler, nous avons les ressources physiques pour ça, nous avons l’intelligence pour ça et nous avons la force de la jeunesse. Plus de 65% d’Africains sont des jeunes, or c’est justement la jeunesse qui construit un pays. Construisons-le et n’attendons pas demain. Faisons-le tout de suite et aujourd’hui !
Voilà mon Afrique de demain : C’est une Afrique que nous bâtissons aujourd’hui même, à travers les mouvements sociaux, qui doivent initier le pas à leur poursuite, afin d’entrer dans le temps long. Ces processus en cours s’inscrivent dans la lignée, du moins prennent comme références les travaux de Cheikh Anta Diop, de Patrice Lumumba, de Kourouma… Leurs travaux se sont vus étouffé par cette autre voix, qui a accaparé l’Afrique et a voulu décider de son avenir en son nom. Alors, ces nouveaux « cadets sociaux » des temps modernes qui éveillent et aiguisent l’intérêt pour la chose politique de leurs compatriotes, ne doivent pas être instrumentalisés, captés ou désorientés vers des objectifs autres que ceux de la jeunesse africaine, mais doivent au contraire être encouragés, nourris et poussés sur le devant de la scène panafricaine.«