Ghislain Nzinzi | Spécialiste des questions liées à la politique économique.
Résumé
Le partenariat public-privé (PPP) est un contrat de longue durée– exclusivement négocié entre le secteur public et le secteur privé dans le cadre d’un projet unique –portant sur la conception, la construction, l’exploitation et financement d’un ouvrage public. Lorsque cette relation contractuelle est bien négociée et bien encadrée juridiquement, elle représente un levier innovant d’optimisation des services publics. Une véritable continuité de l’action publique avec d’autres moyens.
Cependant, le but de cet article est de montrer, à travers le prisme de l’économie congolaise, que l’absence des règles propres au PPP et le défaut de formation de certains fonctionnaires chargés de conduire des projets en Afrique génèrent parfois une asymétrie de l’information à la fois ex ante (c’est-à-dire au niveau de la conception et réalisation des projets) et ex post (durant la période de l’exploitation). Un PPP mal défini incite subrepticement à des comportements opportunistes, à la tricherie et au conflit qui malheureusement auront des conséquences graves sur la collectivité, voir même les générations futures. Voilà pourquoi, il est crucial de mobiliser toute l’expertise technique, juridique et comptable nécessaires afin de contenir les velléités visant à proposer des contrats léonins. Le partenariat public-privé (PPP) n’est pas mauvais en soi, tout dépend de l’usage que l’on fait.
Introduction
Le service public désigne l’ensemble d’activités exercées directement par les autorités publiques ou sous le contrôle de celles-ci dans le but de satisfaire les besoins d’intérêt général. Au sens large, le service public englobe également les administrations (c’est-à-dire l’Etat central, la collectivité locale, les organismes de sécurité sociale) et les établissements publics à caractère industriel ou commercial (EPIC). Les administrations publiques sont en principe financées par les impôts et/ou les cotisations obligatoires, alors que les entreprises publiques financent théoriquement leurs activités par la vente des biens et services (électricité, distribution d’eau, transport en commun, etc.) qu’elles produisent sur le marché. Cependant, dans le but de réduire les inégalités, outre ses fonctions régaliennes (la justice, la défense, l’éducation, la police, etc.), l’Etat prend également en charge la redistribution des revenus et les investissements en équipements collectifs indispensables à l’économie. Donc l’intervention de l’Etat dans la sphère économique, comme le souligne Richard Musgrave, se justifie par l’existence des biens collectifs générateurs d’externalité positive.
En effet, le faible niveau de biens collectifs en République du Congo contraint les autorités publiques à multiplier des projets d’infrastructures indispensables à l’économie. Le financement de ces politiques de grands travaux, promut par le gouvernement congolais depuis quelques années, plombe chaque année son solde primaire (différence entre les recettes et les dépenses de l’année). La forte dépendance des recettes publiques congolaises vis-à-vis de la rente pétrolière, extrêmement volatile, rend encore vulnérable l’activité économique. D’après les données de la Banque mondiale, l’aide au développement à taux bonifiés, accordée au Congo par l’Union européenne, la banque mondiale, le fonds monétaire international, etc., a été considérablement réduite, passant de 1425 à 139 millions de dollars entre 2005 et 2012. Cependant, pour fonctionner normalement, l’Etat congolais a dû faire appel au marché financier international en émettant régulièrement des obligations (dettes achetées ou vendues). Or le taux d’intérêt de ces obligations est fixé en fonction du nombre d’investisseurs confiant dans la capacité de l’Etat congolais à rembourser sa dette. Cette confiance, basée essentiellement sur la situation économique du pays, la stabilité sociale et les politiques économiques engagées, est directement liée à la note attribuée au Congo par les agences de notation. C’est dire que le taux d’intérêt élevé observé chaque année dans certains pays africains alourdit davantage le poids de la dette et, par conséquent, leur marge de manœuvre.
Pour assurer la bonne marche de la société, le gouvernement congolais envisage des solutions alternatives afin de restructurer son périmètre d’intervention et de diminuer son poids dans l’économie. Actuellement, le partenariat public-privé (PPP) est le modèle d’organisation étatique qui a le vent en poupe.
C’est dans cette optique que les investisseurs privés (nationaux ou étrangers) sont de plus en plus actifs et financent aujourd’hui un large éventail de projets qui se développent au Congo. Les fonds souverains provenant, entre autres, des pays émergents tels que la Chine, l’Inde, le Brésil, le Qatar…, sont en train d’essaimer un maillage financier hautement stratégique en injectant des milliards de Franc CFA pour soutenir des projets « soi-disant » rentables. Ces derniers occupent aujourd’hui une place importante dans le développement d’infrastructures au Congo. Toutefois, l’attractivité soudaine de l’Afrique, en général, par ces fonds d’investissements ne serait précisément pas dans un but purement philanthropique.
Le PPP est aujourd’hui plébiscité par les autorités publiques congolaises afin de mobiliser le capital et le savoir-faire privé. Cette expertise serait non seulement financière, mais également managériale, économique et technologique. L’État tente donc d’adopter peu ou prou des choix qui intègrent les critères de performance en reproduisant des méthodes de gestion du secteur privé tels que : l’arbitrage entre coûts sociaux et gains réalisés, les résultats quantifiés, la prise en compte du paramètre temps, l’évaluation des risques dans le choix d’investissement…
Cependant, il ne faut surtout pas oublier qu’à force de vouloir privilégier l’approche managériale dans les services publics au détriment des besoins réels et incompressibles des citoyens, l’État court véritablement le risque de s’éloigner de la mission noble pour laquelle sa légitimité tire ses racines. En outre, le décalage abyssal entre les besoins sociaux réels et l’offre d’infrastructure existante, notamment en Afrique subsaharienne, doit nous obliger à prendre cette notion d’efficacité managériale avec des pincettes.
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