Les stratégies de consolidation de l’unité nationale au Cameroun: Entre fondement de la désunion et politique de survivance d’un pouvoir autocrate.

Par Alain Roland Tonye

RÉSUMÉ:
Le concept de l’unité nationale est, pour les hommes politiques camerounais, le socle sur lequel est bâtie leur légitimité nationaliste, depuis les indépendances. Au contenu insaisissable, l’unité nationale au Cameroun semble être un bouc émissaire pour dissuader les velléités contestataires et consolider le régime en place. Parmi les méthodes employées pour l’édification de l’unité nationale au Cameroun, l’instrumentalisation de la réunification du Cameroun en 1961, la création de l’Etat unitaire le 20 mai 1972 et la naissance de la République du Cameroun en 1984 en sont quelques-unes. Seulement, ces stratégies destinées à consolider l’unité nationale constituent plutôt des écueils à l’intégration nationale et au vivre-ensemble. Par voie de conséquence, elles participent à la désagrégation sociale et accentuent les irrédentismes. Pour éviter que les crises identitaires ne deviennent des obstacles à sa pérennisation, le pouvoir en place s’appuie sur le parti-Etat, l’équilibre régional et la militarisation du pays. Cet article défend l’idée selon laquelle seul le respect des accords de Foumban, la revalorisation des héros nationaux et la maîtrise des savoirs endogènes peuvent être un début de solution pour la construction d’une réelle unité nationale.

CONTEXTE:
Cette note d’analyse s’effectue dans un contexte marqué par la résurgence des crises politico-identitaires et la promotion de l’ethno-fascisme au Cameroun. Ces deux pesanteurs, au-delà des autres matrices symbolisant la déchirure sociale, constituent des freins à l’émancipation nationale. La fragilisation de l’Etat camerounais, caractérisée par la criminalisation et la militarisation du jeu politique est, pour ainsi dire, la manifestation de l’échec des pouvoirs de Yaoundé à socialiser les Camerounais autour d’un destin commun et fraternel. A ce niveau, l’unité nationale brandie comme un trophée de guerre depuis la fin du maquis en 1971, est devenu un slogan creux, psalmodié par le parti au pouvoir. La crise anglophone en est la parfaite illustration de la désagrégation sociale et de la désunion de la société camerounaise. Il devient donc urgent, de trouver des solutions appropriées pour un meilleur vivre-ensemble au Cameroun.

PROBLÉMATIQUE:
Comment les stratégies et les pratiques politiques autour de l’unité nationale ont participé à l’accélération des crises identitaires, au repli communautaire et à l’extrémisme ?
Les logiques d’affection et de désaffection mises en place par le pouvoir en vue de la consolidation de l’unité nationale ne constituent-elles pas un moyen de survie et de stabilisation des régimes successifs d’Ahmadou Ahidjo et Paul Biya plutôt que des politiques promouvant le vivre-ensemble ?

IDEES MAJEURES :
– La première étape de désunion au Cameroun a été l’instrumentalisation de la réunification en 1961, conséquence de la résurgence de la crise anglophone.
– La recherche permanente de l’hégémonie politique est à l’origine de la création de l’Union Nationale du Cameroun (UNC), comme seul parti politique entre 1966-1990 et de l’unification du Cameroun le 20 mai 1972.
– L’équilibre régional et la militarisation et la criminalisation du jeu politique sont des facteurs de désagrégation sociale et constituent de facto des stratégies de survivance de l’Etat.
– Pour réelle unité nationale au Cameroun, il faut d’abord revenir au système fédéral tel que institué par la constitution de 1961. Ensuite valoriser les héros de l’indépendance du Cameroun en créant par exemple un musée pour faire la paix entre nous et nous-même. Enfin, vulgariser l’histoire et la culture du Cameroun, creusets de la conscience nationale.

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